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Et si votre oreille racontait votre histoire ?

View Of Stanley Park juxtaposed by a View Of downtown Vancouver-

On imagine souvent que notre manière d’entendre le monde reste la même d’une personne à l’autre. À quelques exceptions près — comme la perte d’audition avec l’âge ou les dommages causés par les bruits forts — nous pensons que notre ouïe fonctionne à peu près pareil, quel que soit notre sexe ou notre lieu de vie. Or, une nouvelle étude internationale, à la croisée de la biologie, de l’anthropologie et de l’environnement, vient bouleverser cette vision.


Réalisée auprès de 448 personnes en bonne santé, vivant dans des contextes aussi variés que les forêts du Gabon, les montagnes de l'Équateur ou les villes d’Angleterre, cette étude s’est penchée sur la sensibilité de la cochlée — une partie de l’oreille interne essentielle à la transformation des sons en signaux électriques pour le cerveau. Pour les chercheurs, comprendre la manière dont cette sensibilité varie entre les individus, c’est mieux comprendre ce qui influence notre capacité à écouter, à percevoir les sons, à communiquer… à vivre en somme.


Le sexe, un facteur clé méconnu de l’audition

Un des résultats les plus frappants de cette recherche concerne les différences entre les hommes et les femmes. Les tests auditifs ont montré que les femmes présentaient une sensibilité auditive plus élevée que les hommes, avec une différence de près de 2 décibels sur toute la gamme de fréquences testées. Ce n’est pas rien : cela signifie qu’à environnement égal, les femmes entendent plus de choses, ou perçoivent certains sons plus tôt que les hommes.


Les scientifiques avancent plusieurs hypothèses pour expliquer cette différence. Certaines concernent la structure même de l’oreille, d’autres la manière dont les cellules ciliées (les petites cellules vibrantes dans la cochlée) réagissent aux stimulations sonores. Il est aussi possible que les hormones, notamment celles produites pendant le développement prénatal, jouent un rôle important. Ce qui est sûr, c’est que cette supériorité auditive féminine se manifeste de façon constante dans tous les pays étudiés, indépendamment de la culture, de la langue ou du mode de vie.


Ce constat soulève aussi une autre question : cette plus grande sensibilité auditive, bien que souvent vue comme un avantage, pourrait-elle être liée à une plus grande fragilité face au bruit ou à des troubles comme l’hyperacousie ? Les femmes sont en effet plus nombreuses à déclarer être gênées par des bruits que d'autres trouvent anodins. Cette sensibilité accrue serait donc à la fois un don… et une vulnérabilité.


L’environnement façonne aussi notre manière d’écouter

Autre découverte étonnante : notre environnement quotidien — qu’il soit naturel, urbain ou en altitude — a un impact réel sur la manière dont notre oreille fonctionne. On aurait pu croire que les gênes seuls déterminent notre capacité à entendre, mais cette étude révèle que les conditions dans lesquelles nous vivons peuvent modifier, voire façonner, notre sensibilité auditive.


Prenons l’exemple des populations vivant à haute altitude, comme dans les Andes équatoriennes. Chez elles, la réponse de la cochlée est moins forte, notamment dans les fréquences moyennes et élevées. Cette perte de sensibilité pourrait être liée à des adaptations physiologiques à l’altitude, comme une moindre oxygénation, mais aussi à des différences dans le paysage sonore : moins de bruits intenses, moins de sollicitations auditives. Ce n’est donc pas uniquement une question de biologie : notre oreille s’adapte à ce qu’elle entend — ou à ce qu’elle n’entend pas.


À l’inverse, les habitants de régions tropicales protégées, comme certaines forêts gabonaises, montrent une sensibilité auditive nettement plus élevée. Là encore, plusieurs explications sont possibles. Vivre dans un environnement riche en sons naturels (chants d’oiseaux, bruissements, alertes animales) pourrait favoriser une oreille plus fine, plus attentive. Peut-être même que cette acuité est transmise de génération en génération, dans une sorte d’héritage sensoriel façonné par l’écosystème.


Et puis, il y a la ville. Les environnements urbains exposent les habitants à des bruits chroniques, souvent graves, comme la circulation ou les transports en commun. Les chercheurs ont observé que les citadins développaient une réponse auditive décalée vers les fréquences plus aiguës, peut-être parce que les fréquences basses sont en permanence saturées par le bruit ambiant. En quelque sorte, l’oreille cherche des "zones calmes" dans le spectre sonore, là où elle peut encore capter quelque chose de net.


Une oreille droite plus efficace ?


Autre surprise, plus discrète mais révélatrice : l’oreille droite est légèrement plus sensible que la gauche. Cette asymétrie, déjà connue, se confirme dans cette étude à grande échelle. Elle semble liée à la manière dont le cerveau humain traite le langage (principalement dans l’hémisphère gauche, connecté à l’oreille droite). Ce petit avantage pourrait avoir été conservé par l’évolution car il favorise la compréhension du langage parlé, en particulier dans les environnements bruyants.


Pourquoi ces résultats comptent, même pour vous ?


On pourrait croire que ces recherches sont surtout théoriques, bonnes pour les anthropologues ou les audiologistes. Mais elles ont des applications concrètes. Par exemple, mieux comprendre comment le sexe ou l’environnement influencent l’audition peut permettre de :

  • concevoir des appareils auditifs mieux adaptés aux particularités de chaque individu,

  • développer des stratégies de prévention plus ciblées, selon le contexte de vie,

  • enrichir notre compréhension des troubles auditifs comme l’hyperacousie, les acouphènes ou la perte d’audition précoce.

Cela montre aussi, d’une manière plus philosophique, que notre corps reste profondément connecté à notre environnement. Nos oreilles ne sont pas des machines neutres : elles sont vivantes, sensibles, et réactives à ce qui nous entoure.


Conclusion : une oreille, mille influences


Ce que nous dit cette étude, c’est qu’écouter n’est jamais neutre. Derrière ce geste quotidien se cachent des mécanismes complexes, influencés par notre biologie, notre âge, notre sexe, et aussi par l’endroit où nous vivons.


Que vous habitiez une grande ville, un village de montagne ou une forêt tropicale, votre oreille s’est adaptée à votre réalité sonore. Et cette adaptation est une richesse : elle raconte une histoire, la vôtre.



Jonathan ZERBIB, créateur de Ouïe Audition et Ouïe Shop


Expert en audiologie, je partage avec vous les dernières innovations et conseils en matière d'audition. De la découverte des appareils auditifs de pointe aux sujets d'actualité sur l'audition et la société, ma mission est de vous éclairer et d'améliorer votre expérience auditive au quotidien.





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